samedi 27/08/2016
Hérault : l'histoire de la clairette racontée par le vigneron Charles Pacaud
CATHY
SOUN
Charles Pacaud est un fervent défenseur de la clairette sur son domaine de
La Croix Chaptal.
JEAN-MICHEL MART
À
Saint-André-de-Sangonis (Hérault), le vigneron Charles Pacaud s'érige en
défenseur du terroir et offre le meilleur de la clairette, cépage séculaire
en Languedoc.
Ici !
Ici ! C'est… ... La clairette. Cet été, nous sommes partis à la rencontre de
vignerons, amoureux d'un cépage en particulier. Pour quelles raisons ces
passionnés en ont-ils fait leur chouchou ? Quels en sont les points forts,
les points faibles ? Qu'apporte-t-il dans l'assemblage des AOC ? Comment
exprime-t-il le terroir dans lequel il se nourrit ?
La
Clairette du Languedoc est à la fois la plus petite et la plus ancienne
appellation.
Charles Pacaud, propriétaire du domaine de la Croix Chaptal au hameau de
Cambous, à Saint-André-de- Sangonis, a su la sublimer au fil des
vinifications depuis 1999. A la veille des vendanges, Charles Pacaud couve
ses vignes avec un regard bienveillant. Surnommé monsieur Clairette par
certains de ses pairs, le propriétaire de La Croix Chaptal affectionne
particulièrement ce cépage.
Quand
il achète l'exploitation, en 1999, à un jet de Saint-André-de-Sangonis,
entre les appellations Terrasses du Larzac et Clairette du Languedoc, deux
hectares de clairette blanche et rose sont déjà plantés. Des souches en
partie presque centenaires. Un legs végétal dont ce Charentais, natif de
Cognac, “hérite” par accident mais qu'il a su faire fructifier. Il en
replante même un peu plus tard, en sélection massale, pour perpétuer cet
héritage.
Des
cépages purement indigènes
Son
diplôme viti-œno en poche, Charles Pacaud est témoin de l'arrachage de
plants autochtones en Californie au profit de cabernet. Une image qui marque
son esprit. De retour en France, pas question de trahir le terroir pour
satisfaire aux goûts uniformisés. "Je cultive uniquement des cépages
purement indigènes. Pas besoin de moi pour mondialiser le vin", confie le
vigneron. Ses terres sont plantées de grenache, carignan, syrah, mourvèdre
et aramon en rouge. Clairette blanche, rose et roussane en blanc. Il produit
environ 60 000 bouteilles sur 25 ha.
"La
plus ancienne et la plus petite appellation du Languedoc"
Sa
gamme, qui comprend une dizaine de cuvées, fait la part belle à la vieille
dame du Languedoc. Charles Pacaud est intarissable à son sujet. La clairette
a été introduite dans la région par les Phéniciens, entre le VIIe et le
VIe siècle avant Jésus-Christ. Après son classement, en 1936, l'appellation
est reconnue officiellement en 1948 par l'Inao. Adissan devient la
“capitale” de l'appellation, qui s'étend sur onze communes dont
Saint-André-de-Sangonis.
"C'est
la plus vieille et la plus petite appellation du Languedoc." On en trouve
ailleurs toutefois, comme en Provence et dans les Côtes du Rhône. Autre
originalité : l'AOC est exclusivement produite à base de clairette blanche.
Vinifiée en sec, moelleux, liqueur et rancio, elle offre une riche palette
organoleptique. "C'est un cépage minéral, gras et ample. Il donne des arômes
de fenouil, d'anis étoilé et d'amande douce."Moins connue, la clairette rose
joue l'élégance avec des notes d'agrume, pamplemousse rose et fleurs
blanches. Charles Pacaud assemble les deux avec de la roussane pour sa cuvée
en Terrasses du Larzac Les Sigillées blanc. Il produit aussi un 100 %
clairette en AOC et un rancio vinifié en vendange tardive.
A la
mode avant et après la Seconde guerre mondiale
"J'étais à contre-courant quand j'ai démarré. La clairette n'avait pas bonne
presse. Mais je n'ai jamais fait un vin pour un marché. C'est le terroir qui
prime." Son heure de gloire, à l'époque de la Seconde Guerre mondiale, est
certes révolue. Un temps utilisée pour élaborer du vermouth par Noilly Prat,
elle renaît aujourd'hui de ses cendres.
Le domaine de La Croix Chaptal
exporte près de la moitié de sa production. De l'Asie à l'Amérique du Nord,
la clairette séduit les palais. Le nom du domaine fait le tour du monde. Une
fierté pour le vigneron qui a donné le nom de son épouse au domaine. Cette
dernière est une descendante indirecte de Jean-Antoine Chaptal, créateur de
la première chaire d'œnologie en France, à Montpellier. "Il a expliqué
pourquoi en ajoutant du sucre dans le vin on obtenait plus d'alcool." La
chaptalisation a ensuite été associée à son nom.
Par
son respect de cette terre, Charles Pacaud perpétue une tradition initiée
par les moines bénédictins, fondateurs du domaine en 804. À 56 ans, le
vigneron aura peut-être la chance de voir l'une de ses filles poursuivre
cette œuvre. Mais ce samedi, c'est à Saint-Émilion que l'une d'elles convole
en juste noce. L'union de deux beaux terroirs...